Le Top 30 Métallique Sombre et Tourmenté 2019 de Mathieu St-Onge


Je dévore la musique de tout genre alors que je m'adonne à la peinture. À l'instar d'un plat de pâtes en Italie, le métal et tout ce qu’on classe comme étant «dark» constitue mon alimentation musicale de base. Mettons ça au clair: je suis mélomane sans me prétendre critique musical et je ne suis pas constamment sur le radar à nouveautés, alors j'ai peut-être manqué deux ou trois essentiels!  Cette sélection de trente opus métalliques sombres et torturés parus en 2019 est très subjective, vous constaterez que certains de vos incontournables de l'année n'y figurent peut-être pas, comme le dernier Slipknot, entre autres, simplement parce que certains sous-genre comme le nu métal ou le emo-core m'interpellent plus ou moins. Avec davantage le souci de ne pas mettre deux albums de la même famille musicale côte-à-côte que d'établir une hiérarchie fixe, je vous propose un long sentier tortueux parfait pour accompagner vos cérémonies occultes, balades nocturnes au cimetière, méditations philosophiques, défonce sportive, évacuation de trop-plein ou pour vous recrainquer le moral solide, parce qu’un peu de métal et d'ambiance sombre, y’a rien de plus revigorant pour le corps le coeur et l’esprit. Cliquez sur les pochettes pour écouter les albums ou des extraits. 

*photo de moé devant un tas de branches mortes qui ressemblent à un logo métal: Stéphanie Groulx. 

30. Pensées Nocturnes - Grand Guignol Orchestra 🇫🇷

Je choisis de vous introduire ça bien raide dans vos orifices avec une bastringue absolument insupportable qui transpire le swing la robine et le jus de fesses de vieux clown déchu. Cette bouillie étourdissante de métal, de valse musette et de musique de cirque délabré est tapageuse, saturée à souhait, et les paroles sont bourrées de vulgarité et d'argot français. Pour rendre le tout encore plus saugrenu, le vocal burlesque et violent rappelle à l'occasion, avec nostalgie, celui qu'on retrouve sur le grand classique Obscura des québécois Gorguts. Bravo à la belleeeuh Frooooonnnccce, vous me donnez le goût de me défaire dans le Ricard pour me réveiller étendu dans un bidet. Grossier et délectable! 

 

29. Hannes Grossmann - Apophenia 🇩🇪

Fini la rigolade! Shiftons tout de suite à une vitesse supérieure avec ce délectable métal technique qui ravira les mélomanes avertis. Le célèbre batteur Hanness Grossmann est bien entouré pour Apophenia, un album qui d'un boute à l'autre nous cloue littéralement à la chaise électrique, bâton de bois dans yeule en prime. Oui madame la sauce est garrochée efficacement.

 

28. Chelsea Wolfe - Birth of Violence 🇺🇸

Reprenons un peu notre souffle avec Chelsea Wolfe. Après son puissant Hiss Spun, elle s’est tellement adoucie qu’elle a rasé ne pas se qualifier icitte. Mais y’a de la brume dans sa voix et du chagrin dans sa musique pour rassurer les âmes atrabiles. Coule-toé un bain chaud, sors les chandelles, le vino, pis relaxe en décantant ta mélancolie l'ami.e! 

 

27. Djevel - Ormer Til Armer, Maane Til Hode 🇳🇴

Vous le constaterez au cours de ce palmarès, je suis friand de black métal. Pour les néophytes, ce type de musique s’écoute dans le frette, idéalement en plein bois, seul, ou en fermant sa yeule si vous êtes en gang. C’est rarement optimiste et souvent démoniaque. On trouve sur Ormer Til Armer, Maane Til Hode l’essentiel de ce que doit comporter tout album black métal qui se respecte: vocal hargneux et rauque, guitares braillardes avec la disto dans le tapis, batterie rapide et régulière, un déroulement lent et contemplatif, le tout bien sinistre, tout droit sorti du blizzard norvégien.  

 

26. Big ‡ Brave - A Gaze Among Them 

La formation montréalaise offre une musique lente, répétitive et minimaliste, parfois marquée de silences, ce qui donne encore plus de force aux charges sonores, percées par la voix claire et vigoureuse de la chanteuse et guitariste Robin Wattie. Ils ont forcé la main à plusieurs palmarès métal, qui ont donné une place de choix à Big|Brave cette année, même si on se trouve à la limite du genre. C'est très très lourd, et moi c'est le genre de musique que j'écoute pour conférer une ambiance spéciale à certaine activités, comme enterrer la radio commerciale alors que je suis au supermarché ou regarder les gens s'amuser à la Ronde, ça se superpose de belle façon et souligne l'absurdité d'une société oppressive qui se donne des apparences de légèreté. 


25. Abbath - Outsrider 🇳🇴

Aaah ce bon vieux Abbath! On l'a connu d'abord comme étant le vocaliste de Immortal, de qui il s'est séparé il y a quelques années. Je les ai parodiés à deux reprises pour Musique Plus, icitte dans Hochelag, pis quand je suis allé chanter tout nu dans le jardin botanique. Je m'en serais voulu de ne pas lui trouver une petite place dans ce palmarès, lui qui a besoin de tout notre support moral... eh oui, la légende du black métal norvégien est entrée en désintox après un fouerreux concert où il est monté sur la scène chaud raide. Sa voix éraillée de petit démon coquin est reconnaissable entre toutes, on l'aime! Nettement meilleur que son premier effort solo et plus rock qu'Immortal, Outsrider est divertissant et dynamique. Une production typique black métal, mais avec un son un peu garage, des vers d'oreilles bien envoyés et des paroles débiles à n'y piger; la recette fonctionne assez bien pour que j'aie eu envie de me retaper le disque une couple de fois. Bonne route vers la sobriété Abbath! 


24. Russian Doomer Compilations 🇷🇺

Petite audace de ma part: l'entrée #24 n’est ni un album, ni même de la musique fraîche. Je pourrais faire un deuxième effort pour dénicher du nouveau dans les contrées cold wave ou goth rock, mais pourquoi se bâdrer de cette tache quand on a une douzaine de compilations de «doomer» russe qui ont poppé sur youtube en 2019? De délectables surprises grises et cafardeuses à chaque fois! 

 

23. Blood Incantation - Hidden History of the Human Race 🇺🇸

Bahahaha c'est pratiquement sous la pression que je place cet album dans le palmarès, pour pas me faire dire «hey St-Onge oùsékié l'album de Blood Injection!?!?» Bon je déconne à moitié, parce que toute la planète métal et moi-même avons trippé solide sur cette curieuse production de trente-six minutes comprenant une épique chanson de dix-huit minutes. À force d'écouter du métal -y'en a des tonnes d'albums qui sortent chaque année, beaucoup sont très bons, mais plusieurs d'entre eux peinent à se distinguer- on finit par être capable de déceler la petite touche magique qui sépare les plus grands du reste de la cohorte. Hidden History of the Human Race possède cette aura spéciale. On a droit à du bon death old school rappelant Suffocation,  joué avec une technicité sans reproche, en faisant un ou deux clin d'oeil au band Death, avec en prime quelques prouesses instrumentales à saveur cosmique! 

 

22. Esoteric - A Pyrrhic Existence 🇬🇧

Difficile d’éviter le deuil en ce passage obligé sur cette planète damnée, pas étonnant qu’on aille toujours besoin de sa dose de funeral doom pour supporter les jours sombres. Une bonne migraine qui nous assaille quand on est tassé dans un Azur à l’heure de pointe sur la ligne orange ne sera pas aussi efficace pour nous affliger que le lancinant A Pyrrhic Existence de Esoteric. La vie va quitter tes veines et le poids de l'existence te réduire en miettes. Bonne écoute!

 

21. Heilung - Futha  🇩🇰 🇳🇴 🇩🇪

Je suis tombé par hasard sur ce band de «folk expérimental»... je m'attendais à un peu de guitare acoustique, de chant d'époque et un peu de buzzage pour honorer l'aspect expérimental... mais oupelaïe, je suis resté la bouche pas mal bée je vous en passe un esti de papier les chummettes. Drette en partant, on se crérait dans un manège style safari-jungle dans le noir, et peu à peu ça commence à goûter le donjon dragon, sans toutefois verser dans le style chevalier-cucu-magie. Des drôles de chants de gorge (en divers dialectes eurasiens disparus de nos jours) sont déployés pour évoquer des thèmes relatifs à l'âge de fer et à l'époque viking. Ils sont accompagnés de percussions fabriquées avec des cornes d'animaux et des ossements humains, et aussi d'enregistrements de bruits d'éléments naturels, comme de la glace qui craque et du feu pis crépite, et là je vous shoot juste une couple d'éléments qui composent la démarche et l'univers de ce groupe. Ça donne le goût de partir en transe, faque côté stimulation créative pour mon travail de peintre, je dois avouer que ça transporte sur un moyen temps! Unique et renversant! 

 

20. Despised Icon - Purgatory 

Des fois on se réveille un bon matin avec une envie pressante de manger une tabarnak de grosse râclée, faque on fait une pierre deux coups et on consomme local en se tapant Purgatory de Despised Icon, maîtres du deathcore.



 

19. MVTANT - Double Tape E🇺🇸

Dans tout qui est purement industriel cette année, j’ai rien entendu qui a réussi à accoter la compilation des deux EP de MVTANT, du bon stock très old school, brut et sec, enregistré sur des cassettes, sans modification par ordinateur. Ok c’est sorti le 31 décembre 2018, mais on va tolérer, je connais personne qui rédige son top 30 pendant que tout le monde se farci le Bye Bye.

 

18- Aoratos - Gods Without Name 🇺🇸

Comme une rafale remplie de sable et de débris qui nous revolerait en pleine face, Aoratos nous garroche un black métal rapide lugubre et opaque. On constate en lisant les paroles que ce sont encore les forces de la mort et du péché qui ont orchestré cette musique maléfique, hey belle job! Je ne commencerais pas avec l'écoute de cet album pour faire découvrir le genre à des oreilles inexpérimentées, les mélodies parfois cacophoniques s’approchent de la limite du tolérable, ce qui, pour ma part, me séduit. Rajoutez à cette mélasse des arrangements sonores enténébrés, des cris de damnés et des atmosphères suffocantes, et voilà, mon coeur de pierre est conquis. 

 

17. The Legendary Pink Dots - Angel in the Detail 🇳🇱

Je voue un véritable culte à ce groupe qui avait amorcé un tournant plus sombre au début de la décennie, suivi d’une poussée créative surprenante qui a culminé avec les brillants Pages of Aquarius paru 2016 et Chemical Playschool #19 et #20 en 2017. Que pouvait-on espérer de plus pour le trio d’Amsterdam? Sans parvenir à se hisser au sommet de leurs nombreux accomplissements musicaux -la barre est haute, ils ont lâché en moyenne un album par année depuis 1980- Angel in the Detail se taille à mon humble avis une place assez confortable dans leur catalogue avec un de leurs albums les plus accessibles. On a droit à une collection de pièces intéressantes qui pige un peu partout dans l’ensemble des influences musicales qui ont marqué la carrière du groupe: une bonne dose de psychédélique inquiétant, de l’électro tordu, des passages calmes et envoûtants, un rien de folk... et toujours la petite voix fragile et unique de Edward K-Spell pour nous prendre par la main. Joyeux quarantième anniversaire les Dots!


 

16- Schammash - Hearts of No Light 🇨🇭

C’est toute une épopée que Schammash nous raconte sur ce métal épique bien serti d’arrangements savamment travaillés. On serait tenté de ranger le style dans la section black métal, mais c’est beaucoup plus prog, lourd et axé davantage sur les jeux de tambours que le martèlement de caisse claire pour se faire accoler l’étiquette. Au cours du périple, on se gâte d’atmosphères plus calmes, riches et étourdissantes, de longs passages instrumentaux, des ambiances doom et des chants lugubres. Une expérience immersive qui fera éclater les frontières entre votre corps et votre esprit, qui dès lors s’élèvera pour quitter la matière. Votre conscience et vos idéaux se verront dissous dans un cataclysme où se rencontreront les quatre éléments, dans un combat entre la lumière et la noirceur. Bon ok ça va faire la spiritualité, j’ai une brassée qui m’attend pis des livres en retard à la bibliothèque de Rosemont, la sortie de corps est remise à 2020.

 

15. Infant Annihilator - The Battle of Yaldabaoth 🇬🇧

C'est là que les puristes vont sursauter et voir que ce palmarès n'est pas celui d'un VRAI critique musical. Infant Annihilator se voit tassé du portrait par plusieurs amateurs de métal parce que c’est truffé de passes définitivement trop rapides pour ne pas être truquées par studio. AAH FAKE! Mais calice que ça ramasse! Tellement trop que ça me fait rire. Rendu là, si ça me rend heureux, je me fous ben des capacités techniques réelles des membres du band et je monte le volume pour une bonne décharge condensée de métal extrême parfaite pour écoeurer vos voisins (je dis «vos voisins», parce que mes propres voisins je les aime ben et je veux pas troubler leur paix).

 

14. Amygdala - Our Voices Will Soar Forever 🇺🇸

On se questionnait sur l’authenticité musicale de l’entrée précédente mais ici c’est de la vraie viande crue qu’on nous balance à la gueule avec ce hardcore qui aborde à coeur ouvert le thème de l’aspérité dans le processus de guérison de traumatismes. De puissantes diatribes sans ornements contre les injustices politiques, la violence faite aux femmes et le racisme. À en saigner du nez.

 

13. Waste of Space Orchestra - Syntheosis 🇫🇮

Une vraie bibitte qui s’est immiscée dans ce palmarès; les habitués du métal seront confondus. Ce projet qui unie les membres des groupes Oransi Pazuzu et Dark Buddha Rising a généré un croisement entre du post-hardcore, progressif, noise, psychédélique et de la musique tribale. Des montées en intensité qui déchirent tout et des ambiances hypnotisantes, il manque juste une grosse marmite pis un chaman et hop, une petite danse en cercle! À découvrir absolument! 


 

12. King Gizzard and The Lizard Wizard - Infest the Rat’s Nest 🇦🇺

On a affaire icitte à un des groupes les plus hyperactifs de la décennie qui a choisi en 2019 de nous surprendre avec un album qui bûche, tout en restant fidèle à leur identité sonore, qui oscille principalement entre le jazz et le rock. Le mixage est atypique si on le compare à ce qui se fait dans le métal et le résultat est rafraîchissant, avec une approche résolument plus énarvée que dark. C’est festif, ça s’écoute même avec un petit sourire, je me retiens pour pas crier Yabadabadou pendant les passes de drum.

 

11. Rotting Christ - The Heretics 🇬🇷

Sortez les amphores de vin résineux pis les gallons de lube parce que vient de sonner l’heure de la grosse orgie grecque, tout le monde est invité, pis on met du Rotting Christ pour se dilater. Ces vétérans se sont éloignés de leurs racines black métal pour raffiner leur style au fil des années et ils sont maintenant au sommet de leur art avec The Heretics, qui nous offre des compositions suaves et épiques serties de chorales mystiques qui te donnent le goût de la conquête, voire d’entreprendre les démarches pour remplacer le Dieu des chrétiens par tout un panthéon de divinités! Baissez vos culottes et que la fête commence!

 

10. Mononc Serge - Réchauffé 

J’étais tiède à l’idée de me faire resservir la même dompe par Mononc mais après une ou deux écoutes j’ai renvalé mes doutes. Sur Réchauffé, le sympathique blasphémateur a nivelé le son d’une couple de ses tounes pour les ramener à un niveau punk rock crasseux. Les amplis ont été rebranchés pour cinq chansons de Pourquoi joues-tu du Rock’n’Roll et le criage a été écrémé sur trois chansons de Musique Barbare; dans les deux cas le résultat est hautement efficace. Rajoutons à ça une relecture bien sale de ses deux tounes où il chantait avec les Colocs, deux nouvelles pièces dont Colonel Sanders puis quelques autres «chansons-poubelles» comme il se plaît à appeler ses créations, et du coup on a en masse de restants à grailler avant de se faire servir la prochaine pièce de résistance.



 

9. 1349 - The Infernal Pathway 🇳🇴

The Infernal Pathway a cette petite coche charismatique qui m’a fait sourire dès ses premiers riffs et je fût vendu à la première écoute par ce black métal trempé dans le death bien agressif et saccadé. Que dire de plus? Une autre valeur sûre sortie tout droit de l’enfer satanique norvégien pour offrir un solide contrepoids sépulcral à François Legault qui a affirmé que tous les queb sont des cathos.


 

8. Humanoid - Door 

Humanoïd est le projet solo de Mathieu Marcotte, guitariste de l’excellent groupe métal québécois Augury. On retrouve majoritairement sur Door des jeux virtuoses de guitare acoustique accompagnés d’arrangements au clavier. Les cordes sont tantôt planantes et méditatives, puis elle se drapent subitement de distorsion pour nous emporter dans des contrées plus dramatiques. Cette oeuvre à la fois ambiante et dynamique a su s’harmoniser à merveille avec mes coups de pinceaux et mes tempêtes de cerveau cette année. 


 

7. Cult of Luna - A Dawn to Fear 🇸🇪

J’ai longtemps considéré Neurosis comme étant les meneurs les plus créatifs du style post-hardcore. Après Given to the Rising, paru en 2007, Neurosis a fait un peu de surplace, tandis que Cult of Luna se taillait une place de plus en plus importante dans cette niche musicale. La formation suédoise vient de prendre nettement les devants avec A Dawn to Fear, un grandiose voyage d’une heure et vingt. Dès la fin de la première écoute, on sent qu’on est en présence d’un géant; on met l’album de côté pour reprendre son souffle. Puis se pointe l’envie d’y retourner pour tenter d’assimiler toute la richesse des compositions, comprendre tout ce qui est déployé à travers cette chaleureuse intensité émotive doublée d’une froideur d’exécution. Un déroulement musical lent et somptueux, à la fois affligé et explosif, bref, un chef-d’oeuvre d’une beauté remarquable.

 

6. Mayhem - Daemon 🇳🇴

L’année 2019 a révélé au grand public l’histoire de Mayhem avec le film Lord of Chaos, une saga que les adeptes de black métal connaissaient depuis longtemps et qui a pris des allures de légende: les frasques entourant les performances du chanteur Dead, son suicide, l’assassinat du guitariste Euronymous par Varg Vikerness et la composition de l’album culte De Mysteris Dom Sathanas, qui est considéré comme la fondation du «vrai black métal norvégien». Ces évènements se sont déroulés entre 1987 et 1993 approximativement. Par la suite, Mayhem a complexifié ses compositions et a sû se doter d’un certain avant-gardisme en rupture avec ses racines. Le peaufinement de leur style est à son apothéose avec le ténébreux Daemon. Mené par le vocal très grim de Attila Csihar, Mayhem replonge vers la tradition tout en nous comblant d’un hors-piste lourd et chaotique. Une trame sonore satanique idéale pour survivre à notre passage sur cette planète siphonnée par le suffoquant christianisme, ses grandes guignolées, son tyrannique Noël et sa consommation de masse. Aeon Daemonium!!! Hey tant qu'à être là, si l'envie vous prend d'aller le film Lord of Chaos, ça a l'air qui faut pas prendre ce qui est raconté pour du cash: Varg a affirmé sur sa chaîne youtube que l’histoire était loin d’être fidèle aux déroulement réel des évènements. Je vous donnerais bien un lien vers ses vlogs pour que vous puissiez entendre sa version des faits, mais il s’est fait bannir cette année pour des propos que Youtube a considéré inacceptables. Consolation: on peut toujours visionner les vidéos de sa douce moitié Marie Cachet qui parle de permaculture, d’école à la maison et dans lesquelles on voit parfois Varg, qui porte maintenant le nom de Louis Cachet, s’occuper de sa marmaille dans son petit hameau auto-suffisant, comme preuve qu'une vie paisible après le black métal et la prison est possible.

 

5. Rammstein - Rammstein 🇩🇪

Il convient de remettre les choses en perspective pour bien évaluer le successeur de Liebe Ist Für Alle Da, paru en 2009. Comme plusieurs, je fût tétanisé dans les années 90 par la musique de Rammstein, que j’ai découverte à l’âge de quinze ans sur la trame sonore du film Lost Highway:  chant allemand grave et froid, guitares charnues, rythme puissant et dépouillé: une recette gagnante pour mes tympans déjà charmés par les Nine Inch Nails, Ministry et Marylin Manson. Les deux premiers albums, Herzleid et Sehnsucht ont attiré mondialement les projecteurs sur Rammstein, puis Mutters en 2001 a consacré définitivement la formation berlinoise dans le panthéon des grands de la musique industrielle. L’effet de surprise d’un band métal grand public qui chante en allemand s’est naturellement estompée au fil des années. L’arrivée d’une pièce comme Deutshchland en 2019 n’aurait pu avoir sur les esprits le même impact que Du Hast l’avait eu il y a plus de 20 ans; on pourrait difficilement comparer l’importance de ce nouvel opus avec les précédents. Ceci dit, Rammstein vient de créer un album de qualité qui dépasse les attentes en offrant exactement ce que les fans aiment du groupe, tout en trouvant de nouvelles façons de se réinventer, avec notamment la dansante Ausländer et la bien tordue Puppe. Il y a quelques moments moins marquants mais aucune chanson médiocre ne figure sur cet album éponyme. Leur humour grinçant est toujours bien rodé et les trois vidéoclips tirés de cette oeuvre sont dans une classe à part. La cible était petite et l'angle de tire restreint; Rammstein a visé dans le mille. 

 

4. Mgła - Age of Excuses 🇵🇱

Ce que cette chiée de coachs de vie qui se multiplient à un rythme effarant ne vous diront jamais, c'est que, ouais, c'est cool la pensée positive et tout ce que ça apporte comme bienfaits pour la santé, mais rien ne vaut une bonne journée consacrée à remuer des idées noires et mépriser la race humaine. Je suis très redevable à Mgła -ça se prononce «mm'gwa»- de m'avoir offert en 2019 l’accompagnement idéal pour se laisser transporter par d'amères mais oh délicieuses pensées misanthropiques, avec leur black métal à la fois mélodique, discordant et dédaigneux. Tout en restant conformes au genre, ils réussissent à se démarquer avec des harmonies peu communes, en gardant la ligne dure, sans ressentir le besoin d’impressionner par des fantaisies ou des prouesses techniques. Je ne sais pas à quel point on peut objectivement considérer Age of Excuses comme un des meilleurs albums de l'histoire du black métal, mais pour ma part, c'est drette dans mes cordes. 

 

3. Kid Kouna 

Je vous ai gardé un choix audacieux pour la position #3. Keith Kouna (anciennement chanteur du groupe les Goules) a décidé que c’était en 2019 qu’il allait faire un Henri Dès de lui-même et ça lui réussit à merveilles. Mon fils de cinq ans a trippé solide, et un enfant qui aime quelque chose en redemande à l’infini, si bien que Kid Kouna est l’album qui a officiellement le plus grindé mes speakers cette année. Mais qu’est-ce que ça vient claironner dans ce palmarès torturé devant Mayhem et Rammstein me direz-vous? Bien que ce soit très rigolo d’un bout à l’autre, y’a un fond un peu sombre avec Kid Kouna, entre autres un lapin qui se fait bouffer, un running gag d’hérisson qui se fait éffouérer par des véhicules et une chanson sur un singe prisonnier d’un zoo. Ça brasse solide le temps de Picotine, une toune punk qui raconte l’histoire d’un chien déchiré entre sa liberté et la fidélité auprès de son maître. C’est twisté sur un esti de temps avec une pièce qui parle brutalement de caca et une passe psychédélique un rien métal appelé Babino. Rajoutez à ça des mises en situation loufoques dans des salles de classe et surtout deux chansons touchantes, Bruno et Lichou, qui parlent des enfants qui ont de la difficulté à s’adapter avec les autres... j’en ai versé une larme! Une oeuvré éclatée et brillante, on veut nos billets VIP pour son concert!


 

2. Lingua Ignota - Caligula 🇺🇸

C’est connu, les religions monothéistes, les machos et autres suppôts du patriarcat n’aiment pas que les femme perdent le contrôle et virent agressives au lieu d’être douces et réservées. Kristin Hayte, la musicienne multi-instrumentiste derrière Lingua Ignota, n’en a rien à foutre, et c’est par une performance déchaînée qu’elle a choisi de lever la voile sur son passé marqué par la violence conjugale. On classerait sa musique de prime abord dans le style gothique, en raison de l’omniprésence de piano et de chants inspirés par les rengaines liturgiques, mais rapidement les frontières volent en éclat. On assiste sur Caligula à un hymne aux survivant.e.s, un véritable tour de force bruitiste pour réparer les âmes brisées, une transe occulte à la fois solennelle, débordante de beauté et de rage, qui repousse l’auditoire aux confins de lui-même. Hayte impose le respect par la seule présence de sa voix d’or, surplombant une musique maculée de sang. Bouleversant et grandiose!

 

1. Cattle Decapitation - Death Atlas 🇺🇸

On annonce des temps sombres pour l’humanité et l’influence de toute l’excellente musique extrême présentée dans ce palmarès nous font presque jubiler, nous, cyniques, pessimistes et nihilistes, à l’idée d’assister à la décimation des masses par les vieux virus libérés par la fonte des glaces, gracieuseté des changements climatiques. Se joindront certainement à ce spectacle les vegans anti-humains de Cattle Decapitation, qui célèbrent de toutes sortes de façon sur Death Atlas l’imminente purge des huit milliards de cellules cancéreuses dont sera invariablement soulagé le globe. Leur musique destructrice a remporté les honneurs de ce palmarès, avec un style qui fait converger les trois épithètes de métallique, sombre et tourmenté. L'éxécution est rapide, compacte et mélodique. Les morceaux sont construits pour bien durer dans la mémoire, surtout grâce à cette petite voix de goblin pleurnicharde qui revient souvent, que j’aime bien, mais qui risque d’en gosser plus d’un. Une salve de haine froide et pure - mais qui a un je-ne-sais-quoi de sympathique malgré tout - pour s’accorder harmonieusement à la lente, mais certaine marche des civilisations vers leur propre perte.

 

J’espère que vous avez apprécié cette expédition tumultueuse! J’ai dû faire des choix déchirants, comme laisser de côté les albums de Krate, Gaahl, Fleshgod Apocalypse, Toxic Holocaust, Lord Mantis et Swans qui se sont fait déloger de mon palmarès par de nouvelles découvertes. J'ai aussi passé par-dessus de bons albums de black métal au profit de la variété. J'ai même tassé à la toute dernière minute ce bon vieux Nick Cave et son album Ghosteen, très beau, qui donne l'impression d'écouter une version extentionnée de Avec le Temps de Léo Ferré.

Mentions spéciales à la scène du métal noir québécois! Je n'ai pas écrit de palmarès l'an dernier, mais j'aurais certainement placé très haut De Horae Leprae  de Délétère, qui nous ont encore épaté en 2019  avec le EP Theovorator: Babelis Testamentum. Nous avons aussi eu droit cette année en guise de grande offrande un album double de Ossuaire, un excellent début pour Trépas,  ainsi que des EP hautement satisfaisants de Nälzer et de Monarque, ce dernier incluant une nouvelle version de leur chanson Le Grand Deuil.  Est-ce qu'en 2020 nous aurons enfin droit au nouveau Forteresse ? Récit Patriotique avait été mon album de l'année 2017 et je suis impatient d'entendre du nouveau matériel! 

J'aurais souhaité vous proposer au moins une entrée électro/aggrotech pour cette petite ballade auditive, mais je n’ai croisé aucune nouvelle publication qui m’a marquée. J'ai manqué quelque chose? J'ai l'impression que le style plafonne au fil du temps. Devrais-je arrêter d’espérer enfin la publication d'un prochain album de Tactical Sekt? En attendant, si vous vous pouvez pu d'aller danser en suit de latex noir avec des verres de contact vert fluo, je peux toujours vous envoyer vers le dernier Agonoize, qui est correct pour le style mais qui surtout gagne les honneurs avec le titre le plus cabotin: Midget Vampire Porn

Ma déception de l'année: la séparation de  SubRosa m'a bien attristé, l'album More Constant Than The Gods paru en 2013 est un de mes meilleurs albums de la décennie. On reste à l'affût pour voir ce que les membres du groupe feront comme nouveaux projets musicaux. 

Alors voilà, je n’ai bien sûr pas pu découvrir tout ce qui s’est créé dans la braguette «métallique, sombre et tourmenté» et je serais très reconnaissant d’entendre vos recommandations au cours de la prochaine année!

Merci à mes chummys métalleux pour leur apport en découverte: les membres de Dicksweat, Tiger, Seb Johnson, ainsi que le quartier général de Boulevard Brutal

Prenez soin de vos coeur noirs les ami.es, à la prochaine.